J'ai passé mes neuf premiers mois dans ton corps, dans ton être, dans tout ce que tu es. J'ai bougé, j'ai vis dans toi, pendant neuf longs mois. Tu as eu mal, tu as souffert, et pourtant tu étais si heureuse, tu m'attendais.
Tu attendais si patiemment mon arrivée au monde. Ce jour où enfin je sortirai de ton être.
Il était minuit et cinq minutes, quand la sage femme prononça ma naissance : le vingt et un août mille neuf cent quatre-vingt quinze. Et voilà, un long voyage vient de s'entamer.
Ca a du être dur, très dur, tu as pleuré, tu t'es déchiré pour que je sorte enfin. Déjà là, je te faisais souffrir.
Tu avais déjà un fils, sept ans plus âgé que moi. On a du tout partagé, lui et moi.
Vint le petit frère, deux ans après moi. Et encore une fois, on a du tout partagé en morceau plus petit. Deux garçons, et une fille .. Je me sentais si seule .. A ma septième année, tu nous apprends que tu attends un quatrième enfant. Punaise, encore un garçon ?! Au secours, mon Dieu, non ! Dieu m'a écouté, c'était une petite fille, un petit joyau. Avec laquelle j'ai du partagé ma chambre, mon intimité, et toute ma vie.
Plus je grandis moins je deviens facile à vivre pour toi. Tu ne supportes pas ce que je suis. Eh bien, moi je suis fière d'avoir été la première à t'avoir tenu tête. Ca fait un choc, hein Maman, venant de ta propre fille ?
Une mère a des devoirs envers son enfant : le protéger, l'aimer, l'éduquer, l'aider, etc .. Et aujourd'hui, à ma seizième année, on me dit qu'on doit me protéger de toi ?! Mais Maman ! Réveille toi ! Ne trouves-tu ça anormal ?
Tu as toujours été aveuglé par ton premier enfant, l'enfant d'un autre père que le mien. Tu as toujours voulu le protéger, toujours voulu l'aider, à mes détriments. Quand il m'insulte, quand il veut me frapper, où es-tu ? Que fais-tu ? Tu ne dis jamais rien .. Tu le laisses toujours faire. Et moi dans tout ça maman ?!
As-tu vu venir toute cette vague de détresse ? Toi, ma mère ?! Bien sur que non .. As-tu vu que ma réussite scolaire se dégradait ?! Oui, mais " ce n'est que passager". As-tu vu que j'étais pas à ma place dans ta maison ? " Si ca te plait pas c'est la même chose. Je ne supporte pas l'ingratitude". Mais Maman, comment veux-tu que je te sois reconnaissante pour un univers qui me fait mal, qui me fait souffrir ? Reconnaissante de tes choix qui me détruisent ?!
J'ai souvent essayé de te montrer que j'étais en train d'étouffer dans ma souffrance. Tu as toujours mal interprété ce que j'ai voulu te dire. J'ai toujours été la seule contre tout le monde. Eh bien, je suis partie, on m'a aidé, on m'a protégé. De toi.
Tout ce que tu trouves à dire c'est que je suis égoïste, que je te fais du mal. Tu n'as vraiment rien compris. Et maintenant tu détestes ta propre mère car je vis chez elle. Car c'est elle qui m'aide. Où vas-tu maman ?! Moi, je sais : droit dans le mur.
Je sombre, je n'ai plus pieds. Je ne sais plus où je vais, ni qui je suis. Pour qui suis-je ici. Moi qui aimait tant la vie. Tout ça c'est terminé. J'ai tout perdu, Maman.
Notre complicité hors paires, notre lien fusionnel, ton amour, ta fierté pour moi, l'amour, le respect, le soutien de mes frères et soeur, c'est du passé tout ça maintenant.
Ca fait tant de mal de détester sa mère, et de se faire détester de sa mère à seize ans .. De quitter sa maison et ma petite soeur qui a tant besoin de moi .. Ca fait trop mal de plus avoir de marques, plus d'équilibre.
Le lycée c'est fini. Les amis ?! Mais quels amis ?.. L'amour ? ( Ce en quoi j'ai toujours cru ), envolés ! Je n'ai plus rien.
En fait, je ne sais même plus de quoi j'ai besoin, de quoi j'ai envie.
Que faut-il que je fasse ?
Avant c'est vers toi que j'allais pour le savoir .. Et maintenant vers qui me tourner si, toi, tu me tournes le dos ?
Je suis déchirée. Complètement brisée. En total perdition. Et vous, que faites-vous ? Me laisser mourir.